Les OGM agricoles, aberration économique et écologique
auteur-e(s) : Commission Ogm,
Lignes d’Attac France
Fruit
de plusieurs millénaires de travail des paysans et de l’évolution de la
vie sur terre, le patrimoine génétique n’appartient à personne et ne
doit appartenir à personne.
A
l’heure de la mondialisation néolibérale, la faculté des êtres vivants
à se reproduire par eux-mêmes dans le champ du paysan est considérée
comme un obstacle au commerce par l’Organisation mondiale du commerce
(OMC). Peu à peu, pour ne pas provoquer de vives réactions de
l’opinion, tout se passe comme s’il fallait en finir avec cette
intolérable concurrence déloyale dont pâtiraient les multinationales de
l’agro-chimie. La reproduction doit devenir leur monopole, quand bien
même la production serait assurée par le paysan !
Augmenter les rendements, améliorer la productivité, résoudre le
problème de la faim dans le monde, réduire la pollution, telles sont
les promesses des OGM agricoles... Pourtant, après presque dix ans de culture commerciale de plantes OGM, et en dépit d’énormes pressions pour les faire accepter, seuls 3 pays les cultivent en masse.
Aucune des promesses n’a en réalité été tenue
. Aux Etats-Unis, la culture de plantes OGM a fait perdre 12 milliards de dollars au secteur agricole Le surcoût des semences OGM
n’est pas compensé par une augmentation équivalente des revenus de
l’agriculteur. La facilité de culture initialement constatée laisse la
place à d’insurmontables problèmes : apparition de « mauvaises » herbes
tolérantes aux herbicides les plus puissants et d’insectes résistants
aux plantes OGM censées les tuer... Le gouvernement britannique a lancé une vaste étude pour faire accepter les OGM. La
publication, en octobre 2003, de ses résultats révèle des impacts
essentiellement négatifs sur l’environnement et un intérêt économique
nul.Ils obligent Margrot Wallstorm, commissaire à l’environnement de l’Union européenne, à réagir : les firmes « ont essayé de mentir aux gens et de leur imposer les OGM. (...)
Quand elles parlent de nourrir les affamés, pourquoi n’ont-elles pas
commencé par de tels produits ? Nourrir les actionnaires, oui, mais pas
les autres ».
Réussir à accroître encore le rendement et la productivité grâce aux OGM
aggraverait la surproduction chronique rencontrée au Nord comme au Sud.
Bientôt, le café, le cacao, les bananes... seront issus de plantes OGM. Le
prix de ces matières premières baissera, puisqu’il est déterminé par le
marché contrôlé par quelques multinationales (Kraft, Nestlé, Unilever,
BSN...). Déjà, la plupart des producteurs ne parviennent plus à vivre
de leur travail, alors que les prix de vente au détail dans les grandes
surfaces restent stables... Qui empoche la différence ? Au Nord, les
crises agricoles s’enchaînent, mais le contribuable compense via d’énormes subventions. Au Sud, les conséquences sont tragiques : les OGM destinés à l’exportation remplacent les cultures vivrières qui peuvent nourrir les populations locales !
Les seuls « avantages » avérés sont ailleurs :
la
coexistence de l’agriculture conventionnelle, paysanne ou biologique,
avec une agriculture transgénique est impossible : selon un rapport de
l’UE destiné à rester secret, mais dévoilé par Greenpeace , le coût (jusqu’à 41 % du prix de revient) de la séparation des filières, à la charge de ceux qui n’utilisent pas les OGM, les condamne à la faillite... Cela s’est déjà produit au Canada où le colza OGM omniprésent a interdit toute culture de colza non transgénique ;
l’achat d’une semence OGM
oblige à acheter au même fournisseur les pesticides nécessaires à sa
culture. Ceux qui en ont déjà cultivé s’aperçoivent que revenir en
arrière est très difficile, sinon impossible ;
après
Terminator, qui programmait la stérilité, voici les technologies de
restriction de l’utilisation des ressources génétiques des plantes et
animaux (GURTS).
Mieux encore, à la demande de l’industrie des OGM,
le brevet est peu à peu détourné de sa vocation initiale ! Une simple
découverte devient, en effet, brevetable alors qu’auparavant, seul un
procédé technique nouveau issu d’une invention pouvait l’être. Signé en
1994, l’ADPIC oblige chaque pays membre de l’OMC à intégrer ces nouvelles règles dans sa législation. C’est le but de la directive 98/44 adoptée par l’Union européenne, mais non encore transposée en droit
national dans plusieurs pays. Décrire un ADN existant depuis des
millénaires peut dorénavant suffire à breveter un gène, une molécule et
même une partie isolée du corps humain !
Détenir un tel brevet donne le pouvoir :
d’interdire
ou d’autoriser, aux conditions de son choix, l’usage ou la fabrication
d’un produit ou d’un gène, quel que soit le procédé employé ;
de limiter le partage des connaissances et la liberté de la recherche ;
de
renforcer la place des multinationales au détriment des pays du Sud :
obtenir et entretenir un brevet pendant sa durée de vie coûte en frais
administratifs et juridiques entre 100 000 et 500 000 dollars dans les
pays développés. Contester un brevet coûte en moyenne 1,6 million de
dollars ;
de
s’approprier le vivant ; de faire de la plante ou de l’animal sa chose
grâce à une manipulation génétique. Pas seulement d’un individu, mais
de l’ensemble d’une variété ou d’une espèce, descendance comprise.
Avec la directive 98/44 plus personne n’a le droit de faire se
reproduire un animal ou de conserver le grain récolté pour le semer
l’année suivante, sauf à payer la licence correspondante. Ce qui était
un droit universel devient une exception accordée sous conditions aux
agriculteurs. Jusqu’à quand ? Déjà, en Amérique du nord, Monsanto
engage des détectives privés pour faire respecter ses brevets,
« cesse » de vendre des semences pour imposer un contrat léonin
intitulé « Semez la technologie, récoltez les profits ». De fait l’agriculteur n’achète plus des semences, il achète un droit d’utilisation annuel ;
de
légaliser le pillage des pays du Sud (environ 80 % de la biodiversité
s’y trouve). Par exemple, les Indiens connaissent l’usage médical de la
piprine (extraite du poivre) depuis des millénaires, mais seule une
entreprise américaine peut en assurer la commercialisation grâce à son
brevet. L’intérêt particulier prime sur le bien commun.
La demande européenne étant inexistante, rien ne justifie les OGM agricoles.
Reste l’argument du retard technologique et commercial sur les
Etats-Unis. Pourtant, même du point de vue néolibéral, il ne tient pas
la route : ne disposant pas de vastes territoires aussi favorables à la
culture d’OGM que les Etats-Unis,
l’Europe ne pourra pas rivaliser avec eux sur ce terrain. Pour
accroître sa compétitivité et ses parts de marchés, l’Europe a tout
intérêt à renforcer son domaine d’excellence : une agriculture de
qualité, sans OGM, compatible avec les besoins et souhaits de la population mondiale.
L’évaluation d’une telle technologie ne peut relever que d’un contrat social, au terme d’un large débat démocratique
. L’Europe, n’a pas profité du moratoire pour l’organiser. En France, les initiatives en ce sens ont été étouffées.
Pour plus de détails voir la note précédente. En septembre 2003, les
députés européens ont donc approuvé, sans être en mesure de décider en
connaissance de cause, une directive sur la traçabilité et l’étiquetage
des OGM dans le but de lever le moratoire. Résultat : malgré des avancées incontestables, le compte n’y est pas !
La responsabilité des fabricants d’OGM
a été « oubliée ». En cas de catastrophe ce sera encore à la
collectivité de payer pour tenter de réparer les dégâts pendant que les
multinationales empocheront les bénéfices des activités à l’origine du
préjudice. Un produit qui contient plus de 0,9 % d’OGM
devra être étiqueté. Mais le seuil technique de détection est de 0,1 %.
Cet écart ne permettra pas de garantir l’existence de semences sans OGM !
Si la démocratie n’avait pas été bafouée, nos élus aurait peut-être pu
prendre connaissance de la consultation de 20 000 Britanniques. Ses
résultats montrent que « plus les gens prenaient connaissance du dossier, plus leur sentiment de réticence voire d’hostilité à l’égard des OGM augmentait », ou un résumé en français à la page 7 du document référencé à la note 4. 93 % sont persuadés que la commercialisation des OGM
est motivée par des intérêts financiers plutôt que par l’intérêt
général. Dorénavant, 54 % sont opposés aux cultures au Royaume-Uni.
Au nom du libéralisme, on déréglemente et détruit les monopoles
publics ; on organise la législation sur les brevets pour permettre aux
multinationales de l’agro-chimie et de la grande distribution de
développer des monopoles privés et faire de la vente forcée au prix
fort ; on impose une technologie contraire à la liberté d’entreprendre
et de consommer, de contrôler la chaîne alimentaire et la politique
sanitaire. Tout cela pour augmenter les valorisations boursières,
bénéfices et dividendes des multinationales. Cette accumulation des
richesses consacre la main mise de la finance sur le politique, sur la
vie.